J'ai le goût de rien
- miaulaphotography
- Jun 8, 2016
- 3 min read

Au moment où j'ouvre les yeux, chaque matin, je regarde autour de moi, mon lit, mon bureau, mon plafond.
Tout est flou, pixelisé, des p'tits et des gros amas de couleurs difformes qui donnent un peu envie de vomir.
J'veux dire, a quoi bon vivre si ton corps, dans ce cas-ci tes yeux, une partie relativement importante de ton être sont bons à rien, qu'ils te backstabbent a tout bout de champ, qu'ils t'induisent en erreur...
Une fois que mes béquilles oculaires sont enfilées après ma crise existentielle matinale, ça va un peu mieux jusqu'à ce que je réalise qu'il fait encore fucking laid dehors. Là je me rappelle que j'suis au Québec pis qu'on a un hiver 6 mois par an. Le reste c't'un mélange de sloche, de pluie pis d'airs gris.
J'ai de l'espoir, tsé, p't'être que dans ma trentaine j'vais enfin pouvoir me sentir comme un humain normal pis me faire griller la rétine à coup de laser. Entre temps j'peux toujours me prendre un p'tit Xanax comme la moitié de la population pour atténuer ma ''dépression saisonnière'', ce dont semble souffrir tous les Québécois qui décalissent pas dans le sud en janvier.
Quand j'étais en secondaire 2, un gars aveugle est venu nous parler de sa cécité.
Dans ce temps-là, je pouvais me passer de mes précieuses lunettes. Il nous a dit à quel point ça avait été dur pour lui après son accident, de ne plus pouvoir voir sa femme, sa famille, la vie, tsé. Je savais à ce moment-là que ma myopie allait surement plafonner quelques années plus tard, ça run dans famille comme on dit...
Des fois le matin je me souviens de lui, de son air un peu nostalgique du temps ou il état encore parmi les voyants. Pis c'est quand il nous a parlé de comment ça avait changé sa vie pour le mieux que j'ai tilté, que j'me dit qu'au fond, vivre aveugle au Québec ça doit pas être si mal que ça.
les journées grises, finies, les gens au style vestimentaire douteux de la région, who cares? jt'aveugle!
C'que j'vous ai pas dit, c'est que quand j'me lève le matin aux petites heures pour aller dans mon cégep insignifiant, c'est que je pense aussi à mes rêves.
Dans ma réalité, celle de mes camarades, celle de la génération neuve, les rêves c'est plus que misérable. Quand aller à l’école ne veux pas dire pouvoir un jour payer son loyer pis manger à sa faim, et quand tes projets de voyage dans le sud pis à d'autres places sont réellement irréalisables parce que le salaire minimum couvre a peine ton loyer dispendieux, tes petites sorties occasionnelles, pis que tu peux a peine espérer en placer dans ton compte épargne à la fin du mois. Comment Peut-on ne pas avoir de crise existentielle en pensant que tous nos espoirs vont ultimement s'écraser parmi la masse d'individus sur la planète, qui ont chacun tous des buts à atteindre. Pourquoi le mien serait-il plus important, pourquoi devrais-je me sentir si spécial ?
C'est là que j'entends mes parents cogner à ma porte, pour me signifier que c'est le temps de revenir à la routine.
Ben j'ai des petites nouvelles pour vous, la réalité c'est que même si je travaille plus que fort, que je finis mon université un moment donné pis que j'ai une 'bonne' job, ben je risque de finir exactement à la même place à laquelle je suis en ce moment ; c'est à dire avoir moins de 20$ dans mon compte en banque pis me demander pourquoi.
Les gens se ferment les yeux sur les vrais problèmes. Parce que c'est plus facile. Ou devrais-je dire ; ils mettent leurs lunettes pour faire partie de la 'normalité', ils vont faire ce qu'on leur dit de faire, pis ils posent pas de questions.

Ben moi, j'suis tannée de mettre mes lunettes, j'suis tannée d'avoir l'impression d'être inapte, pis j'suis tannée d'avoir à me complaire pis m'adapter à un idéal de vie complètement irréaliste et qui s'appuie sur une réalité depuis longtemps dépassé.
Les vrais aveugles, c'est peut-être ceux qui se ferment les yeux sur les 'vraies affaires', plutôt que ceux qui ont le courage de l'accepter telles qu'elles sont.
Bon, ça veut pas dire que je ne mettrai pas mes lunettes dans ma face le matin, mais mes lunettes idéologiques, vous pouvez les oublier.
C'était mon chialage de la journée, voila, je vous laisse avec mon «FUCK TOUTE» empli du nihilisme ambiant contemporain.
Yo.
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